UNE VIE DE FEMME - 36 EME PARTIE
Janvier 2002, j’ai un peu plus de 63 ans. Ma jambe me fait de plus en plus souffrir, le cartilage de la tête du fémur est à vif, occasionnant des douleurs intenses. Les démarches et examens ont été faits, l’opération est prévue pour le début Mars.
Depuis longtemps, je veux arrêter de fumer mais à chaque fois que j’ai essayé, je n’ai pas tenu le coup plus de 3 semaines. Or, aux raisons que j’ai déjà d’arrêter : la dépendance, le coût, les dégats sur la santé, s’ajoute le fait qu’une fois hospitalisée et clouée dans un lit pour une dizaine de jours, le manque de nicotine viendra s’ajouter aux raisons déjà exposées. Comment faire ?
Je suis croyante, à ma façon bien sûr. Je suis certaine qu’au dessus de nous, quelque chose de grand, d’impossible à définir existe, nous guide et nous protège. Peu importe si on appelle cela D-ieu, esprit, entité, moi je l’appelle D-ieu mais les autres définitions ne me dérangent pas. Il m’est arrivé plusieurs fois dans mon existence de demander à D-ieu son aide et à chaque fois il m’a entendue.
Vendredi 18 Janvier 2002, fin d’après-midi je regarde la télé en fumant une cigarette. Sans savoir pourquoi à ce moment là et non à un autre, je m’adresse à lui en ces termes : « j’ai besoin de votre aide, sans vous je n‘arriverai à rien, s’il vous plait aidez-moi » J’oublie ce cours instant et je continue ma soirée comme j’ai l’habitude de le faire et rien ne se passe. Le samedi non plus pas plus que le dimanche du moins jusqu’à 16 heures.
Dimanche 20 Janvier 2002, à 16 heures, toujours assise devant la télé j’attrape la dernière cigarette qui se trouve dans un paquet ouvert sur le bureau et là, j’entends, je sens, je ne sais pas comment expliquer exactement, disons que j’entends à l’intérieur de moi une voix qui dit de façon tonitruante : « c’est …..la…..dernière….cigarette. »
Un peu désarçonnée tout de même je retrouve mes esprits et … j’oublie ces instants bizarres. Mais le soir je constate que depuis, je n’ai fumé aucune cigarette, pendant le film non plus. Le lendemain, pas une fois je n’ai eu envie de fumer, ni après le petit déjeuner, ni après le déjeuner, ni pendant le film.
Je n’ai jamais plus fumé, je n’ai jamais eu de manques, de crampes d’estomac, je n’ai pas grossi ; on interprête ce qui vient d’être dit comme on veut, moi je vois une seule chose : j’ai demandé, j’ai été entendue.
7 Mars 2002 opération. Prothèse de la tête du fémur. Deux jours après je descends du lit, deux jours encore, je marche avec un déambulateur, 17 mars je rentre à la maison. Bien sûr il y a des tas de choses que je ne peux pas faire, me baisser, porter un poids, aussi Edna, une voisine est venue m’aider. C’est elle qui est venue chez moi pendant mon absence pour nourrir les bêtes, nettoyer la maison, et là se trouve le problème.
Edna est une femme adorable, serviable, un peu plus jeune que moi, Elle a eu la polio à l’âge de 5 ans et est donc restée handicapée mais malgré tout, elle se débrouille très bien et peut faire énormément de choses, le seul problème c’est qu’elle est sale et sur elle, et chez elle et elle est tellement habituée à mal faire qu’on peut lui dire ce que l’on veut, elle dit « oui » et repart dans ses habitudes.En dix jours la maison est devenu une vraie fosse d’aisance, bien qu’elle prétende qu’elle ne sent rien ; aussi cela va m’obliger à prendre certains risques, à reprendre mes gestes habituels plustôt que permis ; heureusement il n’y aura aucune séquelle pour moi.
Etant donné que ce livre a pour but d’expliquer comment j’ai vécu tout ce qui est arrivé, je suis obligée de parler de moi, de ce que je suis, comment je réagis. Si je devais me définir je dirais ceci :
-J’ai un caractère très fort, (cela gêne souvent mon entourage)
-je ne cède que si j’ai tort (on dit que je suis entêtée)
-je ne suis pas diplomate (c’est pour moi souvent de l’hypocrisie)
-je dis ce que je pense (je blesse)
-Je suis très indépendante (impossible pour moi de travailler en groupe)
-je suis responsable de ce que je dis, pense et fais,(je veux commander tout le monde)
-je suis une perfectionniste (les autres disent « tatillon »)
-je ne mens pas (il paraît qu’il existe des mensonges blancs qui comprennent tous ceux que l’on a dit et qui n’ont paraît-t-il pas d’importance !!!!!)
Tout cela fait de moi une personne pas très facile à vivre et qui veut toujours avoir raison.
C’est pour cela que je suis très malheureuse quand je suis dépendante des autres et j’essaye d’y être le moins souvent possible mais il y a des situations qui obligent à composer et ça, j’ai beaucoup de mal à le faire.
Un mois plus tard, je marche seule, je n’ai plus mal, c’est presque une nouvelle vie qui commence pour moi, mais cela ne va pas durer longtemps.
En juin 2002 je suis malade, j’ai de très fortes diarrhées, puis la fièvre qui va monter jusqu’à près de 42. Je suis hospitalisée en urgence, presque inconsciente, deux jours après je suis opérée en pleine nuit : colostomie, ablation de 60 cms d’intestin, aspiration d’un énorme abcès qui se promenait dans l’abdomen en bousculant tout sur son passage.
Dix jours après, je suis de retour à la maison, j’ai maigri de 16 kgs, je ne peux plus manger ; les services sociaux m’octroient une aide ménagère 2 heures par jour qui vient de 8h à 10h mais comme je suis seule ou presque le reste de la journée, je n’ai pas la force de me trainer jusqu’à la cuisine et encore moins de faire réchauffer mon repas. J’ai en provisoire un sac sur le ventre pour les selles, je fais une allergie à la colle qui lui permet d’adhérer à la peau, je perds le sac plusieurs fois dans le lit ; je suis en pleine dépression et personne ne le sait pas même moi.
Ce qui va me sauver c’est une « purée ».Mon amie Florence est venue me voir et sans rien dire elle me prépare à manger, une purée carotte avec un morceau de beurre. Quand elle apporte l’assiette elle me dit simplement : « maintenant mange » et moi, la têtue, je m’exécute et…… c’est bon, si bon!….
Ce qui s’est passé c’est que comme j’avais toujours des nausées, cela voulait dire pour moi que si j’avalais quelque chose j’allais le vomir, or j’avais des nausées parce que j’avais très faim. Mon cerveau n’avait pas bien traduit les signaux envoyés.
Je vais me remettre tout doucement, mais 4 mois après, j’aurais une deuxième opération qui consistera à retirer le sac, à recoudre les intestins, pour permettre de nouveau une vie normale.
Comme un malheur ne vient jamais seul. Peu de temps après ma ceinture abdominale va céder et il faudra donc, quelques mois plus tard, repasser sur le billard pour en poser une artificielle.
Depuis, je n’ai plus été la même qu’avant ; je me suis laissée envahir par une sort de fatalisme, mon rythme de vie à terriblement ralenti, je me suis cloitrée dans ma maison, avec ma télé, mes chats et je n’ai plus rien voulu savoir.
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