animaux, humour,histoire,mystique,poèmes,contes,bric à brac

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UNE VIE DE FEMME - 35 ème partie

 

 

 

 

J’ai complètement oublié les premiers jours de mon retour, je sais seulement que j’ai nettoyé ma maison de fond en comble, j’ai dû aussi faire quelques courses, je n’ai appelé aucune de mes connaissances, ce sont elles qui se sont manifestées les premières et là ! impossible de parler, de raconter. Elles ont fini par comprendre que quelque chose de grave était arrivé et m’ont laissée tranquille.

 

C’est seulement deux ans après que j’ai enfin pu raconter, par bribes d’abord, je ne pouvais pas aller bien loin dans mes explications car je ne comprenais toujours pas pourquoi de telles choses étaient arrivées. Je sais aussi que pendant ces deux ans, je n’ai pas cessé de revoir le film de mes 15 jours passés en France et qu’en fonction de mon humeur du moment, j’ai imaginé toutes sortes de réactions possibles : écrire, questionner, haïr, pardonner et je n’ai rien fait de tout cela. J’ai écrit une lettre de 10 ou 15 pages à mon amie Yvonne mais je ne l’ai jamais envoyée.

 

Pendant les 11 ans à venir, Alexandre me téléphonera 1 fois tous les deux mois, trois mois, quatre mois ; nous parlerons de choses sans importance, j’apprendrai que ma petite fille se porte bien, qu’elle grandit, puis qu’elle va à l’école, qu’elle travaille bien, qu’elle fait du cheval. Je recevrai des photos d’elle ainsi que du voyage qu’ils feront tous les trois au Kenya.Par la même occasion, je demanderai à chaque fois des nouvelles de David qui semble aller bien.

 

La plaie a fini  par se cicatriser ; il reste un grand vide et une colère sourde qui sommeille au fond de mon ventre et de mon cœur et puis, deux décisions sont sorties de toute cette tristesse. C’est fini, plus personne ne me fera jamais du mal ;Egoîste je ne l’étais pas mais je vais le devenir, ce qui m’importe maintenant ce sont mes bêtes et moi, le reste est très relatif et doit le rester.

 

Je n’ai pas de haine envers mes fils, ma belle-fille qu’au fur et à mesure je considère comme une malade et une pauvre malheureuse qui fait le vide autour d’elle, ce que je ressens c’est une indifférence totale ; nous ne sommes pas de la même génération, pas du même monde, nous n’avons rien à nous dire et rien à espérer des uns et des autres. La deuxième : lorsque je le jugerai utile, je dirai ce que j’ai sur le cœur sans me soucier de ce que cela pourra entrainer comme conséquence, les non-dits, c’est fini pour moi.

 

Maintenant que mon esprit s’est libéré de ce carcan qui l’étouffait, je regarde de nouveau autour de moi. Deux ans ont passé, je suis à la retraite, heureuse d’avoir cessé, enfin, de travailler pour les autres, pour tous ces vieillards qui ne savaient faire qu’une chose : se plaindre, le café était trop chaud ou trop froid ou trop sucré ou pas assez. Auprès d’eux j’ai appris comment il ne faut pas être si on veut profiter de ce troisième âge que certains redoutent tant et que moi j’attendais avec  d’impatience.

 

On est en janvier 1999, mon temps est à moi et je vais essayer d’en faire quelque chose de bien mais surtout quelque chose qui me plait.

 

J’ai remarqué depuis longtemps déjà que les chats de la rue sont très malheureux, maigres, pleins de plaies, infection dans les yeux, les oreilles, c’est aussi l’époque ou beaucoup de nouveaux-nés naissent aveugles ou le deviennent très jeunes et étant incapables de se nourrir ou de se protéger contre toutes sortes de dangers, les voitures par exemple, meurent et très souvent dans des conditions affreuses.

 

J’ai commencé à les nourrir, mais de façon épisodique, et je décide de le faire tous les jours et comme je sais que cela ne plaira pas à tout le monde, je m’arrange pour déposer la nourriture dans des assiettes en plastique, d’attendre qu’ils aient fini de manger pour m’en aller non sans avoir « débarrassé la table » et nettoyer les quelques croquettes qui trainent encore ça et là et nous allons ainsi mieux nous connaître ; de trois au début, ils seront cinq ensuite et pour finir une vingtaine ; certains se laisseront caresser immédiatement d’autres attendront de mieux me connaître, certains refuseront tout contact.

 

Maintenant que je suis volontaire à la « LLV » j’ai appris à soigner toutes les plaies et bosses et je vais donc pouvoir agir et en même temps voir si j’ai bien compris ce que l’on m’a enseigné et effectivement, après un certain temps, les plaies ont cicatrisé, les oreilles ne coulent plus, les yeux sont bien propres et quelques fois on a pu en sauver deux, des fois seulement un, la fourrure est plus fournie, le poil est plus soyeux, les puces sont chassées grâce à un peigne spécial qui fait également office de caresse dont les chats raffolent et moi, je suis aux anges, un vrai plaisir que les retrouver tous les matins, de voir qu’ils m’attendent, qu’ils semblent heureux.

 

Cela ne plait pas à tout le monde bien sûr, il y a les étonnés qui s’arrêtent, regardent, haussent les épaules et s’en vont.

 

Il y a les mêmes mais qui parlent, et qui demandent pourquoi je fais cela ? pourquoi je dépense mon argent à « ca ! » alors qu’il y a tant de gens malheureux dans le monde ?

 

Ils y a les virulents qui m’accusent d’apporter dans le quartier, puces, saletés, maladies. Parmi eux, certains lèveront la main sur moi mais comme je les regarderai bien droit dans les yeux sans cesser pour autant, ils baisseront la main et s’en iront en grommelant.

 

Mais il y aura aussi ceux qui s’arrêteront et qui reviendront le lendemain avec un appareil photo, des journalistes qui passeront un article dans leur journal, des religieux qui me diront que D-ieu doit beaucoup m’aimer puisque je l’aide dans Son travail.

 

Après réflexion je déciderai que ce qui compte c’est ce que moi je pense et que je continuerai tout le temps que j’aurai la force de le faire.

 

Entre temps ma maison se remplit de minous qui sont arrivés chez moi agés de deux jours, de 10, de trois semaines de 4, de 5, de 6 et qui n’ont pas été adoptés. Bien sûr je peux les rendre à «  LLV » mais je me suis attachée à eux et je n’ai pas le courage de m’en séparer. Aux 6 que j’avais avant mon départ pour la France se sont ajoutés 3 puis 10 puis 20 et nous sommes arrivés au nombre de 32.

 

Quel boulot ! distribution des repas deux fois par jour, vaisselle, changement de 6 litières, je ne parle pas des calins qui eux sont distribués à profusion.

 

En connaissance de cause, je peux affirmer ici que les bêtes valent mille fois plus que les hommes, ils ne mentent pas, ne trompent pas, ne trahissent pas, ils sont reconnaissants de la moindre caresse prodiguée, n’ont pas de rancune et ils valent le coup qu’on s’occupent d’eux et qu’on les aime, c’est tellement facile !.

 

Les années vont passer toutes semblables et en même temps toutes différentes. Les gens que je connais ici ont tous des animaux qui sont notre principal et quelquefois seul sujet de conversation.

 

En dehors de ça, j’ai les cables donc la télé française, les mots croisés que j’adore, mes journées sont bien remplies, j’aime ma vie et j’espère qu’elle va durer le plus longtemps possible.

 



06/10/2012
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