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UNE VIE DE FEMME - 29 ème partie

 

 

 

 

Que s’est-il donc passé de 1986 et 1991 ? tout et rien. J’ai travaillé chez ces gens si peu sympathiques. Alexandre est venu me voir et a passé chaque année un mois en Israël. Comme ce n’est plus un enfant, il visite le pays, fait des connaissances, tombe amoureux une autre fois et fait toujours le projet de venir me rejoindre quand il aura terminé ses études. Il est maintenant interne, loin de chez lui et essaye de décrocher un BTS dans le bâtiment.

 

Il travaille quand il n’a pas classe et peut maintenant se payer son billet d’avion. C’est toujours un gentil garçon, plein d’amour, il semble heureux ; Il me donne aussi des nouvelles de David qui semble s’être calmé, il est chauffeur poids lourds et ses bureaux se trouvent dans la région parisienne.

 

Mon père n’est plus. J’ai reçu un télégramme « père décédé » sans signature.

Est-ce ma mère, ma belle-mère, une de mes sœurs qui m’a prévenue ? la rancune est tenace dans cette famille.

 

Je sors beaucoup. J’ai rencontré un homme adorable, il est marié mais semble avoir une grande liberté. Il a aussi un ami qui le suit partout et qui se sert de lui comme alibi car lui aussi a une épouse. Ce que nous n’avions pas prévu, c’est que notre liaison prenant une tournure passionnée, nous allons moins sortir car nous voulons profiter de chaque instant de liberté pour nourrir notre amour ; le copain lui aussi sort moins, il devient jaloux et pour se venger de ce qu’il va considérer comme une trahison de la part de son « meilleur » ami, il va dévoiler l’affaire à l’épouse. Il s’agit d’une méditerranéenne grande gueule, grand bruit et nous frolons le scandale.

Puis l’infidèle retourne chez lui et tout rentre dans l’ordre. Mon petit cœur en prend un bon coup au passage mais il est tellement habitué….

 

J’ai encore un problème à régler, celui du logement. En Israël, les loyers sont libres et en dollars, l’aide que je reçois comme nouvelle immigrante va bientôt prendre fin, et je serai incapable de payer de telles mensualités, quant à acheter quelque chose, il vaut mieux ne pas y penser. Par contre il existe une possibilité de palier à cet inconvénient : « le pas de porte » il s’agit de donner une certaine somme fixée par le propriétaire de l’immeuble et discutable. Une fois payée on a obtenu le droit « à vie » d’habiter l’appartement et l’assurance que le loyer ne sera augmenté qu’une fois par an, augmentation fixée par le gouvernement. Je cherche, je trouve et je rentrerai dans ma maison deux jours avant la fin de mes droits.

J’ ai obtenu un prêt gouvernemental de 95% de la somme demandée, prêt étalé sur 25 ans et indexé sur l’augmentation du coût de la vie.

 

La boucle est bouclée.En 1991, quand éclate la guerre du golfe, j’ai un peu plus de 52 ans.

 

Ma première guerre, et vue de près, puisque des éclats d’obus vont tomber à 1mètre 50 de mon immeuble, arrachant au passage les pylones électriques et mettant le feu aux voitures garées devant les immeubles, c’est d’ailleurs je crois ce qui m’a sauvé la vie car ces voitures ont empêché les projectiles d’entrer dans la cour de la maison, là où se trouvent, disposées en rang d’oignons les bouteilles de gaz.

 

L’immeuble a tremblé sur ses bases, la lumière s’est éteinte et pendant une ou deux secondes j’ai attendu que la maison m’engloutisse. Et plus rien et très vite, les pompiers, la police, qui grimpent quatre à quatre les escaliers pour voir s’ils y a des blessés. Je suis seule dans l’immeuble car les autres locataires ont tous de la famille chez qui ils ont pu se réfugier puisque c’est surtout Tel-Aviv qui est visée.

 

On veut me faire sortir de chez moi  mais je refuse car j’ai à l’époque 6 chats et il n’est pas question que je les laisse seuls ; on accepte que je reste car la fumée provoquée par les incendies des voitures a envahi les appartements du devant, mais le mien est situé à l’arrière et il y a peu de risque pour que celle-ci arrive jusqu’à chez moi. La télévision est aussi arrivée sur les lieux. Les projecteurs sont braqués sur moi, l’espace d’un instant je suis la vedette et on me demande de raconter ce qui est arrivé ; je trouve la question ridicule car tout le monde sait ce qui arrive, ce n’est pas le premier missile qui nous a été offert par Saddam mais un des derniers, par contre je me surprends à dire. « Si un jour je m’étais posée la question de savoir pourquoi je suis venue ici, pourquoi je me suis convertie, j’ai aujourd’hui la réponse : Saddam peut me tuer s’il le veut, je mourrai juive et c’est l’essentiel  pour moi ». Je ne sais pas pourquoi j’ai dit cela, j’ai l’impression que je n’ai pas peur mais ce n’est surement qu’une impression.

 

 

Quelques jours après je serai invitée à une émission télévisée pour raconter, ma vie, je recevrai des lettres, des déclarations d’amour, des invitations  à participer à d’autres émissions que je refuserai, on me reconnaitra très longtemps après dans la rue, dans les magasins puis, petit à petit je redeviendrai l’anonyme parmi les anonymes.

 



30/09/2012
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