UNE VIE DE FEMME : 24ème partie
En Mars 1983, la personne dont je m’occupais est morte et j’ai retrouvé une nouvelle place. Je travaille maintenant tous les matins chez un vieux monsieur atteint d’un cancer de la prostate,
Monsieur Rhinco. Il est né en Yougoslavie, est venu en Israël en 1945 avec son épouse et un petit garçon de quelques années ; dentiste de son état, il a cessé toute activité depuis qu’il est souffrant.
Rhinco fait partie de ces hommes intelligents, évolués, instruits et qui estiment que grâce à toutes ces qualités, tout leur est dû. De plus, atteint d’un cancer à la prostate, donc touché dans une partie de son être très importante, certaines de ses tendances sont décuplées.
L’aide soignante qui s’occupait de lui depuis des années part en Amérique car sa fille vient d’avoir un bébé, le premier, et elle veut remplir son rôle de grand-mère. Nous nous rencontrons et elle me parle de « son » Rhinco cet homme pour qui elle a été infirmière, amie, épouse, amante. J’entends tous ces mots mais au lieu de leur donner leur juste sens, je préfère croire que pour certains, j’ai mal entendu, pour d’autres, il y a exagération de la part de celle qui parle, très émue et triste, de devoir quitter son malade.
Les premiers jours, tout se passe bien mais je vais très vite déchanter. Lorsqu’il parle de lui, il emploie toujours le mot « Docteur » racontant son passé dans lequel il joue un rôle de choix, parfois de héros, puis petit à petit, il en arrive à son sujet favori, celui de ses conquêtes féminimes ; il est bien entendu à chaque fois le casanova de service, les femmes étaient à ses pieds et l’adoraient. Toutes ces conversations l’exitent et alors son regard ressemble fortement à celui de schlomo (le Levy aux cartes postales) ses mains aussi s’égarent mais ce genre de personne sait très bien jusqu’où aller pour retourner la situation et faire du plaignant celui qui a créé le problème, si on se plaint de ses agissements.
Sans beaucoup d’explications, je lui donne ma démission sous le prétexte que je ne peux pas répondre à toutes ses demandes ; je lui dis de chercher ma remplaçante après quoi, je partirai. Le « Docteur » à un problème car il connaît mon honnêteté et intégrité et il sait très bien que jouer avec son aide soignante, c’est se mettre en position de dépendance et que très vite l’intéressé ne contrôle plus rien. Alors il va prendre la décision d’engager une autre femme qui, elle, fera les nuits et qui, si elle accepte, saura exactement ce qu’elle aura à faire.
« Iori » est une jeune femme d’environ 35 ans, d’origine yéménite venant d’un milieu défavorisé, mariée très jeune, mère de 6 enfants qu’elle élève seule, elle travaille de jour et pour faire face aux nombreux frais qu’engendre une aussi grande famille, elle cherche un travail de nuit. Au début, je ne la rencontre pas et quand Rhinco me raconte ce qu’ils font ensemble, c’est vrai que j’ai une très mauvaise opinion d’elle ; et puis un jour, elle passe nous dire bonjour dans la journée et je vais découvrir une fille exceptionnelle. C’est une « Linda », belle, charismatique et l’intelligence livresque qu’elle n’a pas est avantageusement remplacée par une intelligence naturelle.
Pour elle, faire l’amour c’est comme aller chercher du pain, elle n’en fait pas toute une histoire, de plus le « docteur » l’a embobinée en lui disant que ses jours étaient comptés, et elle l’a crû. Si Rhinco avait su se taire, je pense que je serais restée mais comme c’est plus fort que lui il faut qu’il raconte et qu’il en rajoute, je m’en vais.
Aout 1983, Alexandre est venu me voir en Israël.Son père à fait tout ce qu’il a pu pour empêcher son départ mais à la fin il a cédé. Pendant les premiers jours, j’ai en face de moi un petit garçon que je ne connais pas ; rien de naturel chez lui, des phrases stéréotypées, une attitude la plus part du temps figée, et puis au bout de quelques jours il redevient lui-même, parle, rit et nous nous faisons beaucoup de calins. Sans poser de questions j’apprendrai que papa ne veut pas ceci ni cela, que Nelly fait tout ce que papa dit, qu’ils se disputent beaucoup et qu’il n’y a que dans sa chambre que l’enfant se sent bien.
Il est l’heure de retourner en France, Alex est très triste, il voudrait bien rester car avec moi c’est « cool » alors je promets de rentrer pour Pâques et qu’ensuite il reviendra de nouveau et là on discutera de l’avenir.
J’ai quitté l’appartement de Fortuné et j’habite maintenant rue Dizengoff ,les champs élysées des Israëliens, du moins c’est ce qu’ils disent ; néanmoins, c’est en plein centre et comme maintenant je travaille à temps complet, j’achète ici et là quelques meubles, la télé, je commence à remonter la pente.
Je vois Iori de temps en temps et même quelquefois je sors avec elle, on va prendre un pot et là on discute, de quoi, de qui, de Rhinco bien sûr, puis on va danser, moi j’adore cela et cela fait des années que je ne suis pas sortie ; elle m’emmène dans une boite pour célibataires, années 70/80 orchestre, chanteur de charme tout ce qu’il faut pour me réplonger dans un passé lointain.
Une nouvelle vie commence pour moi, une vie que je n’aurais jamais dû vivre.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 73 autres membres