UNE VIE DE FEMME : 20ème partie
Cette fois ma décision est prise mais avant, je dois demander conseil à Levy, celui que je connais bien et en qui j’ai confiance.
Dans ma lettre je lui explique tous les problèmes que j’ai eus dans mon travail, j’ajoute que je veux venir en Israël afin de voir si je peux y rester avec Alexandre et lui demande son aide afin de me guider dans mes démarches. La réponse est nette, claire et précise : « NON » L’explication est la suivante : me connaissant comme il me connaît, sachant comment j’ai toujours vécu, il sait que je ne me plairai pas en Israël et il ne veut en aucun cas que je retourne en France déçue.
Moi qui m’attendais à une aide inconditionnelle, je tombe de haut. Levy a jugé sur les apparences, appartement, voiture, je n’aurai rien de tout cela dans son pays ; je serai obligée de vivre, du moins au début dans un kibbutz, vie que je ne connais pas et qui, il en est sûr, ne collera pas avec ma mentalité de femme libre qui décide seule alors que là bas, il n’existe pas de décision personnelle mais collective.
Je voulais me passer de l’aide de Schlomo en qui je n’ai pas tellement confiance mais je n’ai pas le choix. Lorsqu’il me téléphone je lui explique ce que j’ai l’intention de faire et sa réponse est : « VIENS » alors je décide de tenter le coup.
Geneviève est assistante sociale ; je l’ai rencontrée voici quelques temps et lorsqu’elle me dit qu’elle doit quitter son petit studio le plus vite possible je lui propose de venir habiter chez moi et d’accepter en échange de s’occuper d’Alexandre car dans un premier temps, je ne peux pas l’emmener avec moi je dois être seule pour avoir les coudées franches et voir un maximum de choses en un minimum de temps. Elle accepte.
Je compte m’absenter un maximum de trois mois mais quand je dis à Linda que je ne compte pas mettre Guy au courant elle me prévient que, d’après elle, j’ai tort, car si Guy téléphone et apprend que j’ai laissé Alexandre, il viendra immédiatement le chercher et demandera surement la garde expliquant et prouvant au juge que je l’ai « abandonné ».
Elle a raison ; j’appelle Guy qui refuse que « son » fils soit confié à une étrangère et exige que je lui envoie l’enfant et comme Alexandre est fou de joie à l’idée de revoir son père et d’aller un peu avec lui, je cède.
Le 7 Mars 1981, je débarque à l’aéroport Ben Gourion. Schlomo est venu me chercher et m’emmène chez lui. Le lendemain, il me conduit dans un kibbutz où je suis paraît-il attendue.
Frédéric, le responsable des volontaires parle français, il m’accueille gentiment mais après avoir écouté mon histoire, il m’informe qu’il ne peut pas m’accepter comme volontaire, car ceux-ci ne doivent pas avoir plus de 35 ans ; de plus, il ajoute que même s’il avait pu, il ne l’aurait pas fait car je n’ai pas le profil et qu’il est certain que je ne supporterai pas la vie en communauté. Par contre il me propose de me recevoir comme « invitée » pendant quelques jours pour que je ramène de mon voyage un souvenir d’Israël.
J’accepte, n’ayant pas le choix. La suite prouvera que j’ai eu raison. Lorsque je partirai du Kibbutz pour me rendre à Tel-Aviv afin d’apprendre l’hébreu, on me demandera d’écrire un article sur mon « aventure » qui sera publié dans une revue destinée aux touristes qui descendent dans les hôtels. Le voici :
LE KIBBOUTZ ET LE VOLONTARIAT -
C'EST LE RECIT D' UNE EXPERIENCE ORIGINALE QUI SE POURSUIT
ENCORE ,REDIGE D UNE MANIERE SINCERE PAR CELLE QUI L 'A VECUE.
CELA DONNE UNE IDEE DES DIFFICULTES QU 'AFFRONTENT TOUS CEUX
QUI VIENNENT EN ISRAEL AVEC LE DESIR DE CHANGER DE VIE
ET AUSSI DE SERVIR. (note de l'éditeur - année 1981)
Débarquer, comme ça, un jour en Israel pour tenter de s'y installer quand on
est non-juive, que l'on a 42 ans, que l'on ne connait pratiquement personne,
que l'on ne parle pas l'hébreu et très mal l'anglais, c'est soit de la folie
soit de l'idéalisme. C'est pourtant une histoire qui existe : c'est la mienne.
La réalisation de mon rêve vieux de 20 ans prend naissance le 7 Mars 1981
quand je descends de l'avion et pose pour la deuxième fois de ma vie le
pied sur la terre d'Israel.
Trois jours après, suite à l'intervention d'une famille d'Ashdod avec laquelle
je corresponds depuis 2 ans, je me retrouve à Nir-Am (sillon du peuple),
Kibboutz situé à l'entrée du Néguev, à 25 kms d'Ashkélon et qui comprend
environ 180 familles.
Même si l'on ne sait pas qu'il y a quelques dizaines d'années, cet endroit
n'était qu'un désert, on est forcé de tomber en admiration devant cette
nature luxuriante qui vous souhaite la bienvenue.
Devant vos yeux défilent des haies d'ibiscus, s'enchevètrent des branches
de bougainvillers, le sol est recouvert de fleurs de frangipaniers et
chaque maison est entourée de roses, d'oeillets et de plantes grasses.
Frédéric est le responsable des volontaires. Agé de 30 ans, barbu, sympa-
tique et parlant français, il me confie très vite que ma venue pose
un problème. En effet, les 40 volontaires actuellement au kibboutz
sont agés de 18 à 25 ans et ne parlent qu'anglais et dans cette ambiance
qui n'est absolument pas la mienne, je risque d'être très déçue et de
repartir avec une mauvaise impression.
La chance, qui se manifestera d'ailleurs souvent sur mon chemin, va
jouer une première fois : une jeune française est arrivée la veille et il
y a une place dans sa chambre. C'est grâce à cet arrangement qu Frédéric
m'acceptera à Nir-Am et me conduira, séance tenante à mes nouveaux
"appartements" situés à une extrèmité du Kibbouts appelée "ghetto".
La pièce dans laquelle je pénêtre fait partie d'un bloc en fibro-ciment
de 5 chambres en alignement. L'intérieur est sombre malgré les
deux fenêtres auxquelles pend, un restant de moustiquaire.Deux lits
sur lesquels nous apprendrons à nous asseoir avec précaution, des
couvertures qui en ont vu de toutes les couleurs, une armoire sans
porte, une table de cuisine en formica rouge et une chaise. Par contre,
pour les murs, nous sommes gâtées puisque nous avons hérité de
tous les fantasmes des précédents locataires
Je digère assez bien ce premier choc et mon "aventure" commence.
Les deux premiers jours sont consacrés à la reconnaissance des lieux
et au choix de nos tenues de travail qui se composeront de chemises
d'hommes, de pantalons trop grands et de vieilles chaussures dans
lesquelles mes pieds crieront grâce!
Je suis affectée à l'usine qui fabrique des couverts de table.
Les trois premiers jours, je travaille de 6h du matin à 14h dans une
salle de tri ,réservée en général aux personnes âgées; nous manipulons
pendant des heures, cuillères fourchettes et couteaux que nous sortons
des caisses pour les ranger dans d'autres afin qu'ils subissent les
dernières retouches de chromage et polissage.
Un matin, je suis envoyée directement devant les machines. C'est une
salle immense dont les murs et le sol sont recouverts de projection
d'huile et de limaille ; le bruit est infernal car douze machoires tournent
en cadence régulière au-dessus d'immenses rouleaux de polissage.
J'ai le coeur qui se serre car je pense que je ne vais pas tenir le coup.
Pourtant, après deux jours passés dans cette ambiance, je demande
à rester dans la salle des machines et mon choix me surprend.
Moi qui, en France, était attachée de direction, toujours tirée à quatre
épingles et ne recevant que sur rendez-vous, comment puis-je trouver
un intérêt quelconque à ce travail d'usine d'ou l'on sort taché de
graisse et rompu de fatigue? Pourtant, j'aime ce que je fais parce que
je me mesure à des éléments nouveaux en ce qui me concerne.
Avant, je travaillais avec mon cerveau, maintenant, j'utilise mes mains ;
j'étais assise huit heures par jour dans un bureau confortable, je dois
me tenir six heures debout, face à des engins bruyants et sales et de
surcroit, il y a cette ambiance muette, du fait du bruit, où nous devons
nous comprendre uniquement par gestes.
Alors que je travaille depuis plus de deux mois dans le cadre que je viens
de décrire, je suis brutalement affectée aux champs car la période des
melons vient de commencer et nous sommes tous réquisitionnés.pour
ce travail.
Le choc est rude pour moi car je me sens parfaitement intégrée à l'équipe
et je n'ai pas envie de la quitter. Mais dans un kibboutz, il n'existe pas de
décision personnelle ; seul, l'intérêt de la communauté prime; cela aussi
est difficile à admettre pour un esprit français, donc indépendant.
C'est un peu la mort dans l'âme que je pars pour les champs tous les
matins à 5 heures, persuadée que cette fois, je vais flancher, d'une
part parce que je pense que physiquement ce sera trop pénible et
d'autre part parce que durant tout ce temps passé au kibboutz, mon moral
n'a pas toujours été bon. Les premiers temps, j'avais tout à découvrir, ce
qui occupait mes moments de loisirs,mais dans un cercle aussi fermé
que peut l'être un kibboutz, on parvient très vite à une sorte de routine ;
on voit pratiquement toujours les mêmes personnes on tient à peu près
toujours les mêmes conversations, ce dont je me suis finalement lassée.
Quant à mes rapports avec les volontaires, ils étaient excellents mais je
commençais à être fatiguée de ces nuits sans sommeil dûes aux
nombreuses fêtes données par les uns et les autres à grand renfort de
cris et de musique et ce, jusqu'à l'aube.
Pourtant j'ai, là aussi, tenu le coup, soulevant durant des heures des seaux
remplis de fruits murs et pesant entre 10 et 15 kgs, trié des tonnes de
melons en fonction de leur couleur, de leur forme, de leur grosseur.
Moshé, membre du kibboutz, responsable de ce travail, m'a beaucoup épaulée,
pétillant d'intelligence et de dynamisme, on ne peut imaginer le potentiel
de facultées qu'il possède.C'est chez Olga d'origine roumaine, arrivée à
Nir-Am il y a près de 40 ans, au début de la création de celui-ci, que
j'étais invitée à tout moment, d'autant plus qu'elle raffolait converser
en français.C'est Stéphen, ce jeune volontaire allemand qui se posait
beaucoup de questions sur le rôle que son pays a joué voici 40 ans et qui
est venu ici pour mieux comprendre ce peuple qui a été opprimé par le sien
et peut-être aussi pour demander pardon.?
Au mois de juin, j'ai eu la désagréable surprise d'apprendre que je ne
pourrais pas apprendre l'hébreu dans l'oulpan se trouvant dans un kibboutz
voisin et en moins de trois semaines j'ai dû trouver une solution.
Ceci m'a conduite à Tel-Aviv où j'étudie depuis deux mois.
De nouvelles aventures et découvertes m'attendaient et m'attendent encore et
si aujourd'hui je ne sais pas de quoi est fait demain, je suis par contre
certaine que je vais continuer sur le chemin que j'ai choisi afin que
mon rève devienne réalité. 16/04/2008
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