animaux, humour,histoire,mystique,poèmes,contes,bric à brac

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UNE VIE DE FEMME - 18 ème partie

 

 

 

 

Je cherche à nouveau du travail et j’en trouve. Une société qui importe vend et installe tout le matériel nécessaire aux égouts tels que tuyaux, coudes, grilles.

 

 La matière n’est déjà pas folichonne mais dans la Société c’est encore pire. L’intérieur est sombre, de longs couloirs sur lesquels débouchent les bureaux, de grandes fenêtres sales et sans garniture, les murs nus, mais la Direction bat tous les records : Le Directeur général, du haut de son 1m60 toise les employés qu’il croise sans jamais les voir ; la peau blême, le cheveux gras et rare, les dents mal rangées et toutes noires, il dirige pourtant son petit monde d’une main ferme. Il est affublé d’une secrétaire, genre vieille fille, qui le suit partout où il va en marchant à petits pas comme le font les Mandarins, le dos un peu courbé, le regard rivé sur le sol en guise de soumission.

 

L’adjoint du grand homme est son contraire. Immense, maigre le visage orné d’un petit bouc ridicule, toujours pressé, avare de paroles, lançant sur les bureaux des secrétaires les parapheurs qu’il ramène signés ; il ne connaît ni bonjour ni merci, ni s’il vous plait mais par contre il abuse du mot « URGENT »

 

Je remplace une femme qui part à la retraite et qui a eu, durant des années, droit de vie et de mort sur deux malheureuses dactylos dont la charge est de taper chaque jour, chaque semaine, chaque mois, depuis des siècles, des devis de la précieuse marchandise sans laquelle les rues de la Capitale seraient en permanence innondées.

 

Ce n’est pas une méchante femme, elle s’est seulement fondue dans la masse, a fait ce que l’on voulait et a donc gardé son poste très longtemps. Nous partageons le même espace, une petite pièce toute en verre, le bureau étant surélevé pour ne pas perdre une miette de ce qui se passe. Tout les ¼ d’heure environ, elle lève la tête sur les deux esclaves qui connaissant bien le scénario, tapent avec frénésie sans montrer le bout du nez. Elle va m’apprendre à enregistrer les visites des représentants sur les fiches de chaque client, à envoyer à ceux-ci la documentation demandée, puis d’indiquer, à l’aide d’un onglet, la date de la prochaine visite, les deux dactylos ayant pour mission de confiance de dactylographier la lettre d’accompagnement et d’expédier le courrier.

Je serai dans cet endroit 8 mois, et je me demanderai chaque jour ce que j’y fais  et si je suis restée si longtemps, c’est parce que j’ai crû qu’avec de la patience, je comprendrais.

 

La veille de son départ, la nouvelle retraitée m’a dit : « je ne pense pas que vous ferez l’affaire, mais je ne dis rien car j’attends de partir depuis si longtemps que je ne voudrais pas être obligée de rester pour former une autre personne ».et lorsque le D.G. me demandera de lui désigner les employés qui arrivent en retard sous le prétexte que de là où je suis, je vois qui entre et qui sort, je ne serai pas loin de la croire.

 

Bien entendu ma méthode est totalement différente car d’une part, ne connaissant pas le matériel proposé et vendu j’aurais bien du mal à trouver des fautes dans les devis, d’autre part parce que je considère que dans une ambiance aussi tendue on ne peut pas faire du bon travail ni s’y épanouir.

 

Au début, Marguerite et Paule se posent beaucoup de questions sur moi ne sachant comment interpréter cette différence. Je me souviens d’ailleurs qu’il s’était passé la même  chose avec les africains qui, dans un premier temps, se méfiaient de cette blanche si polie et si gentille se demandant ce qu’il y avait derrière. Quand on ne connaît pas, on a peur.Mais elles vont comprendre quand, au lieu d’aller déjeuner à la table du « Roi », je viendrai avec elles manger un sandwich ou quelquefois un bon couscous au restaurant du coin. Là je n’ai pas respecté les règles en vigueur : les cadres déjeunent ensemble et non avec le menu fretin. Seulement quand à cette même table on ne parle que du matériel vendu ou à vendre, moi, je regrette, mais mes 40 minutes de pose sont à moi et j’en fais ce que je veux. ! na !

 

Le délégué du personnel viendra me prévenir quelques temps après, à mots couverts, que ma désertion de la table royale est du plus mauvais effet, je saurai alors que mon heure va bientôt sonner.

 

Fin Décembre, La Direction a l’habitude de convoquer dans son bureau, un à un, les membres du personnel pour indiquer à chacun à quelle sauce il sera mangé et aussi pour lui annoncer, s’il y en a, le montant de l’augmentation de salaire.

 

Quand arrive mon tour, le Chef se tient encore plus droit que d’habitude, la mêche chétive et grasse pour une fois rejetée en arrière et la secrétaire est figée derrière lui s’accorchant très fort au dossier de son fauteuil. En termes aussi blessants que possible on me signale mon incompétence, mes attitudes irrévérencieuses et on me confirme ce dont je me doutais : JE SUIS VIREE. Le minus s’attendait surement à ce que je bondisse, d’où la position de sa secrétaire prête à bondir pour m’arrêter dans mon élan meurtrier mais au lieu de cela il entend :

« Quand dois-je partir Monsieur ? « abasourdi  par la simplicité de ma phrase et l’absence de toute velléité, il perd contenance , tousse, crachote puis murmure dans un souffle ; « de suite » En sortant de son bureau je suis aussitôt suivie dans le mien par le délégué du personnel qui ne me lâchera plus d’une semelle jusqu’à ce que je sorte ; bien sûr, je le comprends, avec une personne aussi peu délicate que moi j’aurai pu, pour me venger, emporter une gomme, un taille crayon ou pire une agrafeuse. Dernière petite vacherie qui montre à quelle hauteur ça vole, au lieu de me remettre ce qui m’est dû pour solde de tout compte, on me fera revenir chaque mois pendant trois mois pour recevoir  mes indemnités de licenciement qui se composent de 3 mois de salaire.

 

De retour à la maison, d’une côté je suis vachement contente d’avoir quitté ce bourbier et mon honneur n’est nullemet atteint par ce renvoi mais d’un autre, je me dis que si je continue comme cela, personne ne voudra de moi car :  42 ans, deux renvois (même si aucune raison n’est indiquée sur la lettre qui m’a été remise) ça fait moche, mon expérience africaine s’éloigne petit à petit pour bientôt ne plus représenter grand chose alors que faire ?

 

 

épisodes précédents : https://telavivcat.blog4ever.com/blog/articles-cat-425922-666360-testaments_pour_mes_fils.html



18/09/2012
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