UNE VIE DE FEMME - 14 ème partie
Dans la société qui m’emploie, beaucoup de choses ont changé : le directeur général a été prié de démissionner pour « mauvaise gestion »
Et un nouveau DG, tout frais émoulu de France prend sa place. Il nous convoque un par un et quand arrive mon tour, il me demande pourquoi ma situation est si différente de celle des autres secrétaires, je lui explique que mon comportement envers les africains ne plait pas et comme j’ajoute que malgré tout j’ai l’intention de continuer il me dit « moi Madame cela m’est égal, soit vous êtes une bonne secrétaire et je vous garde, soit vous ne l’êtes pas et je vous vire ; au fait, la secrétaire de l’ancien DG nous quitte, voulez vous prendre sa place. ? »
Là, c’est ma première revanche sur ces 4 ans de galère, de misère et j’accepte. la roue semble tourner mais je n’ose pas y croire.
Raymond lui a été jugé, puis condamné à plusieurs années de prison mais comme elles étaient couvertes par la préventive, plus les remises de peine pour bonne conduite et études faites en prison et sanctionnées par un diplôme, il est sorti quelques mois plus tard.. Il a continué de m’écrire pendant un certain temps, puis les lettres se sont espacées pour s’arrêter sans explication.Lorsqu’il avait besoin de moi, j’étais là, quand j’ai eu besoin de lui, il n’y avait plus personne.
Paulin lui, a eu beaucoup de problèmes, après avoir perdu son logement, ce fut le tour de son boulot, puis sa santé s’en est allée ; un soir, il est devenu fou et a tout cassé là où il se trouvait. Hospitalisé, le psychiatre a décelé une lésion au cerveau dûe à une maladie mal soignée dans l’enfance,maladie qui avait stagné très longtemps pour aboutir à un pétage de plomb total, mais sa dernière crise, avant son hospitalisation, c’est sur moi qu’il l’a passée et il a failli me tuer ; je n’ai dû ma survie qu’ au fait qu’il s’est évanoui avant de m’asséner le coup fatal.
Après son hospitalisation, j’ai refusé de redevenir sa compagne mais nous avons gardé des relations de camarades et ce, jusqu’à mon départ définitif d’Afrique.
Huit mois après ma nouvelle nomination je décide de rentrer définitivement en France et lorsque je téléphone à Yvonne pour avoir des nouvelles de David j’en profite pour lui en parler. Elle semble contente de ma décision et dans les jours suivants elle en parle à mon fils.
Malheureusement, une chose extraordinaire va m’arriver, je vais sans la chercher trouver une place dans une autre société dans laquelle je triple mon salaire, j’obtiens pour moi et mes enfants billets d’avions, inscription à la sécurité sociale, des avantages inimaginables qu’il m’est impossible de refuser. Lorsque j’annonce la nouvelle chez mon père, Yvonne sort de ses gongs, me traite d’égoïste, de mauvaise mère et tout cela, alors que David est auprès d’elle. Si les choses allaient mieux pour lui, elle vient de tout casser en un instant.
Bien sûr, je ne comprends pas une telle réaction mais je vais assez vite en deviner la raison : Mon père est sur le point de prendre sa retraite et sera donc beaucoup plus à la maison. Le couple va mal car pendant toutes ces années, bien des choses ont changé .
Yvonne avait un peu plus de 20 ans quand elle a connu mon père et lui en avait à peu près 15 ans de plus. A cette époque, cela ne posait pas de problème car en dehors du fait qu’elle était peut-être amoureuse de lui, elle cherchait surement une aide et un appui pour élever ses filles dans de bonnes conditions et mon père lui, était encore vaillant mais 15 ans ont passé, cuisinier, il a toujours été un grand mangeur et buveur et ses possibilités masculines ont fortement baissé. Quant à elle, elle a évolué, grandi est devenue une femme épanouie qui se voit mal continuer à vivre avec un homme âgé. Quand je lui ai annoncé mon retour probable, elle était très contente car elle avait l’intention de quitter la maison (je crois d’ailleurs qu’elle avait un ami que mon père connaissait)
Et le départ de David l’arrangeait. Lorsque je lui annonce que je reste en Afrique tous ses plans s’écroulent et elle ne peut pas m’expliquer, car elle a peur que je repète tout à mon père. D’où sa colère.
Ce que personne n’a compris, c’est que pendant 4 ans j’ai galéré, salaire de misère, primes supprimées, impossible de mettre de l’argent de côté. J’ai 39 ans, en France le chomage a fait son apparition, si je prends ce nouveau job, je pourrais amasser un petit pécule qui me permettra, une fois de retour, de tenir le coup un certain temps et de voir venir.
Alexandre est à ma charge et même si Guy me verse une pension, elle est petite alors ce poste, je dois le prendre surtout qu’une autre chose est arrivée qui m’a donné à penser que j’étais guidée par quelque chose et qu’après tous ces malheurs, un peu de bonheur m’arrivait.
Lorsque j’ai trouvé cette nouvelle place j’ai bien cru à un certain moment que celle-ci allait m’échapper car un problème administratif se dressait entre elle et moi : en effet l’ivoirisation des places disponibles était en marche et il était beaucoup plus difficile d’obtenir un permis de travail que précédemment. Je me présente à la main d’œuvre, je suis reçue par le Directeur du service, qui m’interroge sur moi, sur le poste à pourvoir puis me demande où j’ai travaillé ; quand je lui donne le nom de la Société il me demande s’il m’est arrivé de visiter des villages, je réponds « oui » s’il m’est arrivé de soigner le pied d’une petite fille qui attendait l’autobus, je dis « oui » Il se lève, quitte la pièce et puis revient avec dans la main la fameuse carte blanche, le « sésame »le hasard, à moins qu’il ne s’agisse d’autre chose, vient de me donner « carte blanche » pour rester.
Ma mère à qui j’ai parlé au téléphone est d’accord pour être la « famille d’accueil » de David ; C’est loin d’être l’idéal mais je n’ai pas le choix.
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