UNE VIE DE FEMME - 12 ème partie
Il faut que je vous parle de l’Afrique. C’est bien sûr le dépaysement total pour un européen : la nature luxuriante, des plantes, fleurs et arbres que l’on ne connaît pas ; la latérite, sorte d’argile qui recouvre les rues lorsque celles-ci ne sont pas asphaltées, le rythme de vie aussi plus lent, peut-être à cause de la chaleur. la vie facile enfin, dans laquelle toute corvée ménagère est « confiée » au personnel que l’on exploite sans même s’en rendre compte.
A la maison, la plupart des boys et gardiens sont Voltaïques (originaires de la Haute-Volta qui maintenant s’appelle je crois ; le Burkinafasso) Dans les bureaux, le personnel est ivoirien (aux postes subalternes car aux postes clés, du blanc ! rien que du blanc !)
Toute nouvelle et cocue de surcroit, je me suis dit que je devais profiter de la chance qui m’était donnée de découvrir des horizons nouveaux, pour visiter ce pays, le pays profond, retouner aux racines de ces gens, là où est la vérité.
Dès que j’ai mieux connu mes collègues africains j’ai demandé leur aide pour m’emmener le week-end visiter leur village, découvrir leurs coutumes. Je n’étais pas la première blanche à vouloir faire cela mais j’étais la première à le faire de cette façon. j’ai demandé ce qu’il était habituel d’apporter en cadeau on m’a répondu : de l’alcool, apéritif, liqueur, digestif, bières etc… et quand j’ai fait savoir que moi je comptais apporter quelque chose qui donne la vie et non la mort à savoir ; cahiers, crayons, douceurs et médicaments, le collègue consulté à viré au gris (c’est la couleur que prend un noir lorsqu’il se sent mal).
Il faut comprendre que depuis des décennies, les européens qui visitent les villages le font pour pouvoir ramener de leur séjour des clichés, films et diapos prouvant les grands aventuriers qu’ils ont été. Les chefs africains dans leur naïveté ont cru qu’il s’agissait de cadeaux royaux puisque utilisés par les blancs et coutant des fortunes. Alors ! amener quelque chose de différent, c’est prendre le risque de déplaire au chef et encore plus au sorcier qui lui, peut se venger en jetant un sort au pauvre guide qui a fait entrer au village quelque chose d’inconnu donc, de dangeureux.
Pourtant tout s’est bien passé. Les cadeaux ont été appréciés les médicaments ont très souvent été enterrés pour qu’ils soient possible de les déterrer lors de la visite d’un chef des villages alentours afin de montrer l’honneur extrême qui avait été rendu par cette blanche qui……
Les mêmes médicaments me rendront un jour un fier service mais ça, c’est une autre histoire.
Mais c’est aussi ce genre de comportement qui va me fermer les portes de la bonne société blanche car il est indispensable, pour que les choses continuent à bien tourner de ne créer aucun précédent et de faire en sorte que chacun occupe la place et le rang qui lui reviennent, sans faire d’amalgame. C’est ainsi que cela fonctionne depuis des lustres, il n’ y a pas de raison de changer quelque chose et ce n’est pas cette petite dinde qui va leur donner des leçons.
Moi, je n’ai rien vu de tout cela car non seulement le coup qui m’a été donné à mon arrivée n’est pas encore tout à fait digéré, la rencontre de Paulin, la perte momentannée de mes enfants puis les retrouvailles m’occupent plus l’esprit que les périgrinations mentales de mes semblables et supérieurs.
D’un côté c’est dommage parce que, si j’avais compris dans quel engrenage je m’étais fourrée, j’aurais peut-être pu atténuer les dégats, mais d’un autre côté, c’est tant mieux car cette aventure aussi douloureuse soit-elle m’a forgé le caractère et surtout m’a appris des choses essentielles à savoir que 1) quand on a la conscience tranquille il faut aller jusqu’au bout quelque soit le prix à payer car on en sort vainqueur 2) que les épreuves aussi dures soient-elles sont enrichissantes donc valent le coup.
Les nouvelles de David sont mitigées mais les frais scolaires ont tellement augmenté que Guy ne peut plus les assumer. Je vais donc devoir revenir en France, pour y ramener David, lui faire passer les tests nécessaires à définir ses problèmes et handicaps qui ont grandi avec lui, essayer d’obtenir une aide auprès des organismes sociaux et surtout, lui trouver une famille d’accueil.
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