animaux, humour,histoire,mystique,poèmes,contes,bric à brac

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UNE VIE DE FEMME - 10 ème partie

 

 

 

 

 

 

 L’avion vient d’atterrir, la porte s’ouvre et une odeur de moisi nous enveloppe tandis que nos habits commencent à nous coller à la peau et il n’est que 5h30 du matin. L’Afrique nous dit bonjour.

 

Guy, le visage encore tout boursoufflé de sommeil, nous attend et nous conduit à la villa dans laquelle il habite déjà.


 La «  zone  3 » est habitée uniquement par des blancs et les seuls africains que l’on y croisent sont les boys ou les gardiens. Bien que les enfants aient dormi dans l’avion, ils tombent de sommeil et vont se coucher immédiatement.


 Le salon-salle à manger est une vaste pièce bien meublée, puis un couloir au bout duquel la chambre à coucher et sur les côtés, une autre chambre pour les enfants ;  en face, salle de bains, cabinet de toilette, et w.c.


 De l’autre côté du salon,  la cuisine bien agencée par laquelle on accède à une arrière- cour, le domaine du « serviteur ». Sur le devant, un très beau jardin garni de palétuviers, d’ibiscus, de cannas et encore bien d’autres plantes, plus belles les unes que les autres.


 Mamadou vient de servir le petit déjeuner, et Guy prend la parole : « je serai correct avec toi, durant ces trois mois, j’ai rencontré une femme, elle est jeune, belle, intelligente et fait très bien l’amour ; je voulais que tu l’apprennes par moi ». Sur ce, il regarde sa montre, il est l’heure d’aller au bureau et il me plante là, avec les valises, et ma stupeur.


 J’ai eu 4 heures pour réfléchir, et lorsqu’il revient pour le déjeuner et que les enfants, réveillés, jouent dans le jardin, c’est à moi de parler :

« je t’avais dit que je voulais rester en France et vu la situation, c’était le mieux qu’il y avait à faire, mais pour une raison que je ne comprends pas, tu m’as dit de venir, tu m’as demandé de mettre des locataires dans notre appartement, fermant ainsi la porte à un éventuel retour en France, je suis donc obligée de rester, du moins pour l’instant. Je ne sais pas ce que tu as prévu pour nous mais moi j’ai décidé ceci : jusqu’à ce que nous trouvions une solution, aux yeux des enfants nous vivrons comme si de rien n’était ; seulement, tes nuits t’appartiennent, tu pourras quitter la maison le soir lorsque les enfants seront couchés et tu repasseras le matin avant d’aller au bureau de façon à ce que les gosses pensent que tu as dormi à la maison. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve mais une chose est sûre, un jour je te rendrai la pareille et pour ce que tu viens de faire,  et pour l’épisode de Nantes que je n’ai pas oublié  et j’espère que tu as compris que nous deux, c’est fini  »


 Nous allons vivre ainsi un an, et lorsque Guy annoncera notre séparation, presque tous les gens qui nous connaissent seront très surpris et diront que pourtant, nous formions un beau couple.

 

 

 La vie en Afrique est très différente de ce que les français connaissent ; les femmes, n’ayant plus de corvées ménagères, n’ont plus qu’à s’occuper d’elles, de leur garde robe, de leur coiffure et de leurs ongles manucurés.


Les soirées succèdent aux soirées et ces dames papillonnent et discutent de sujets futiles comme elles le sont elles-même. Les hommes eux, discutent de chasse, du bungalow acheté pour une bouchée de pain et bien sûr ….. de la connerie des nègres. Le racisme, ce n’est plus le fouet ou les chaines, c’est le mépris. Les boys et les gardiens sont payés un salaire de misère, travaillent sans contrat, autant d’heures par jour que le patron le décide, sans être plus payés pour autant.


 Dans un tel contexte j’ai vite fait d’en avoir marre et je décide de ne plus aller à ce genre de soirée qui m’écoeure.

 

Après 15 jours, j’ai trouvé une place de secrétaire. Je resterai dans cette société 4 ans, de plus en plus mal vue car mon comportement envers les africains déplait à la race blanche, on me fera les mille misères pour que je parte, on me supprimera le chauffeur pour aller chercher mes enfants à l’école, on me  refusera toutes les primes et augmentations données aux autres secrétaires, on s’arrêtera de parler sur mon passage,et pire encore on me fermera les portes de toute la société bien pensante surtout quand on apprendra que j’ai un amant noir. Et je résisterai à tout cela, non pas parce que je suis courageuse et extraordinaire, mais tout simplement parce que je suis prise dans un engrenage dont je ne peux me sortir.


 les enfants eux, se sont très vite habitués à leur nouvelle vie, surtout bichon qui adore le boy avec qui il joue tout le temps et dans l’assiette de qui il adore manger le poisson au manioc, au grand damne du père qui non seulement méprise le personnel, mais en plus, pense qu’il est syphilitique alors….


 Guy sort le soir, mais depuis notre explication ne reste jamais toute la nuit dehors il rentre vers les 1 h du matin ;  Bien sur je ne comprends pas pourquoi car nous ne nous parlons pas ou si peu…. Par moments aussi, Guy joue les « père fouettard » et donne des punitions à l’ainé pour des broutilles.


 David se comporte normalement. A l’école, cela ne peut pas être très bien car il a accumulé en France beaucoup de retard et sa dyslexie est toujours présente mais à part cela, rien à signaler, du moins au début parce que petit à petit on va découvrir pas mal de choses.


Un jour, je ne sais plus comment, il a trouvé un haras et on lui a proposé de faire un tour à cheval. Lorsque David est sur  l’animal pour la première fois, il devient un autre enfant il n’a pas besoin d’apprendre quoi que ce soit, il sait !


 Le propriétaire des lieux est très impressionné par ce talent et l’invite à venir quand il le voudra. Le problème c’est qu’en afrique il n’y a pas d’autobus pour les blancs et comme il ne nous parle pas de sa nouvelle passion de peur qu’on lui interdise de continuer, il faut trouver de l’argent pour prendre le taxi. D’abord, il vend sa montre pour une bouchée de pain car il n’en connaît pas le prix, ; il racontera qu’il l’a perdue, nouveau mensonge, nouvel engrenage ; ensuite  il vole l’argent qu’il trouve à la maison, y compris celui donné au Boy pour aller faire les courses, quitte à faire accuser le boy de vol et lui faire perdre son travail. Et voilà, on est reparti pour un tour.

 

 

 David a maintenant 12 ans, l’âge de la puberté mais chez lui aucun indice qui laisse supposer qu’il le vit mal. Pourtant un jour, nous frisons la catastrophe : je reviens du travail, Alexandre joue dans le jardin et David est enfermé dans sa chambre ce qui me met la puce à l’oreille car quand il fait quelque chose il « disparaît » de la circulation. Bichon m’accueille avec joie et quand je lui demande ce qu’il a fait dans la journée il me dit : « tu sais maman, la petite africaine qui habite chez les gens d’en face est venue jouer avec nous ; je ne sais pas ce qui s’est passé, mais à un moment David l’a enfermé avec lui dans la chambre, la petite fille a pleuré et quand elle est sortie, elle avait du mal à marcher. »

 

 C’est tout simplement d’un viol ou d’une tentative de viol qu’il vient de me parler là ! je rentre dans la chambre et là, pas de question, pas de conciliabule, pas de psychologie je dis à David « qu’as tu fait à la petite ? il s’apprête à mentir mais déjà les larmes lui montent aux yeux et il avoue : « c’est à cause des copains, ils ont tous une copine et se moquent de moi qui n’en ai pas, alors je voulais pouvoir leur dire demain que moi aussi j’en ai une ». Je suis effondrée.


 La petite voisine est africaine, adoptée par un couple de blancs dont le mari est « Pasteur » elle a environ 5 ans. Que faire ? aller en parler et risquer de déclancher la colère de ces gens, suivie de plainte, police, procès ; se taire et porter ma vie entière le poids d’une culpabilité énorme et du fait que je ne sais pas jusqu’où David est allé, imaginer que la petite a subi un traumatisme qu’elle gardera imprimé dans son corps toute sa vie m’est insupportable.


 Dans la villa avoisinant la mienne, il y a un couple de jeunes français, lui est prof et ne sachant à qui me confier (il n’est pas question que je raconte cela à Guy qui dans ce domaine est coincé) je leur raconte et leur demande « quoi faire ? » Le mari, après avoir réfléchi quelques minutes me répond, « à votre place, je ne dirais rien, car d’une part je ne pense pas que votre fils ait pu la violer elle est trop petite pour qu’il ait pu arriver à ses fins, d’autre part, c’est une petite africaine, ce n’est pas comme si….. » et il ne termine pas sa phrase.


 De retour chez moi, j’analyse la réponse reçue qui déjà me dégoute : parce que c’est une petite africaine c’est moins grave que si c’était une blanche ? quelle horreur ! et c’est, je crois, ce qui va me décider à parler.

 

 Je demande à être reçue chez ces parents que je ne connais pas. Ils ont déjà un certain âge, vivent dans un lieu très modeste et qui respire la religion à plein nez, des cierges, des bougeoirs, des photos de Jésus  et autres saints…. Et ce qui va suivre est inimaginable. Très mal à l’aise je commence à parler : « votre petite fille est venue jouer chez moi pendant mon absence et mon plus jeune fils m’a dit que mon ainé n’avait pas été très gentil avec la petite ». Comme ils ne réagissent pas, je continue : »je ne sais pas exactement ce qu’il lui a fait mais elle est partie en pleurant ».


A ce stade j’espère qu’ils vont me poser des questions, qu’ils vont réagir ce qui va me permettre de développer un peu ma pensée, car je suis venue pour dire la vérité, mais une vérité si difficile à dire qu’il faut m’aider un peu, mais rien, pas de commentaires, pas de questions et puis, l’homme se lève, part dans une autre pièce et revient avec un livre de prières qu’il ouvre à une page bien précise pour lui et commence à lire. Je n’arrive pas à me rappeler du texte, mais ce dont je suis sûre c’est qu’il s’agissait de l’histoire d’une pécheresse à qui D-ieu pardonne sa conduite, je suis certaine que ces gens avait parfaitement compris ce que j’étais venue dire mais leur conception de la vie était telle, qu’ils se refusaient de juger et s’en remettaient à D-ieu.  Je sors de chez eux éblouie de tant d’abnégation. 

 

épisodes précédents ici :



10/09/2012
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