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les gros aussi ont une histoire

Les GROS ont aussi une Histoire




L'obésité serait devenue une maladie et même une épidémie qui menace l'humanité ! Qui l'eut cru il y a trois ou quatre décennies, quand le monde vivait encore dans la hantise de la famine ?

L'embonpoint n'a pas toujours eu mauvaise presse au cours de l'Histoire. Il lui est même arrivé d'être apprécié, avec des nuances toutefois selon qu'il concerne les hommes ou les femmes.

C'est ce que nous vous proposons de découvrir par le texte et l'image...

L'Antiquité ne se soucie pas de l'embonpoint



L'une des plus célèbres est la Vénus de Willendorf (Autriche), vieille d'environ vingt-cinq mille ans.

On peut supposer qu'en ces temps très anciens, les humains avaient besoin d'une épaisse enveloppe de graisse pour supporter un climat beaucoup plus froid qu'aujourd'hui.

On peut aussi supposer que ces Vénus n'expriment pas la norme sociale mais la vision qu'avaient les hommes du Paléolithique de la Déesse Mère et de la fécondité.

L'obésité et la guerre

Glissons sur le haut Moyen Âge. L'époque féodale, à partir des Carolingiens (Charlemagne et ses descendants), met en lumière trois catégories de populations : la paysannerie, le clergé et les guerriers.

On peut penser que les paysans n'ont pas de problème d'obésité avec une nourriture à base de choux, légumineuses, fèves, châtaignes... Peu de viande et de poisson ; pas de sucre.

Les curés de paroisse ne sont guère mieux nourris que leurs ouailles. Quant aux moines, nombreux en ce temps, ils bénéficient dans les grandes occasions de quelques agréables compléments (salaisons et poisson fumé, vin) ainsi que de pain. Ils sont assurés d'un approvisionnement plus régulier.

La sédentarité et les travaux d'écriture leur valent de prendre facilement de l'embonpoint. D'où une réputation, parfois méritée, de personnages jouisseurs et hédonistes, portés sur la bonne chère... et la chair tendre.

Les guerriers, seigneurs et souverains, qui tiennent le territoire à la pointe de leur épée, bénéficient, cela va sans dire, des meilleurs mets : gibier, pigeons, vins etc. Grossissent-ils pour autant? Rien n'est moins sûr. Les exercices physiques, la chasse, les tournois et la guerre les en empêchent...

Mais les excès de table et les excès d'exercices leur sont souvent fatals. Le flamboyantGaston Fébus, comte de Foix, meurt ainsi d'apoplexie à soixante ans, en 1391, au retour d'une chasse à l'ours.

Les chroniques font aussi état de quelques personnages dont la forte corpulence a dégénéré en obésité, avec des conséquences handicapantes.

C'est le cas du très illustre Guillaume le Conquérant, qui connaît une fin de vie douloureuse, privé de sa chère Mathilde et en butte à l'hostilité de ses fils. Il meurt à soixante ans, des suites d'une glissade de son cheval, sur le chemin de la guerre.

Son contemporain et rival, le roi de France Philippe 1er, connaît une situation bien plus humiliante. Ayant répudié sa première épouse, Berthe de Hollande, après vingt ans de mariage, il se remarie au grand scandale du clergé et de l'opinion. Menant une vie dissolue, il devient obèse au point de ne plus même pouvoir monter à cheval.

Quand il meurt à 56 ans, en 1108, son fils et successeur Louis VI hérite de sa propension à l'obésité au point de rester pour la postérité Louis le Gros. Mais il se montre excellent administrateur et grand batailleur, même si à la fin de sa vie, comme son père, il est incapable de monter à cheval et combattre.

Il faut sauter quatre siècles et traverser la Manche pour rencontrer une situation semblable avec le roi d'Angleterre Henri VIII. Tôt atteint par l'obésité, il ne ressemble en rien à l'éphèbe qui joue son rôle dans le feuilleton anglais Les Tudors. Dans les dernières années de sa vie, le roi aux six épouses doit être hissé dans les étages de son palais par un monte-charge. Ses portraits officiels témoignent cependant d'une forte autorité naturelle.

À défaut d'autorité naturelle, le roi de France Louis XVI ne manque pas de prestance, avec une taille de près de deux mètres et une forte corpulence musculaire. Cela ne le préserve pas d'une triste fin. Son contemporain le feld-maréchal russe Mikhaïl Koutouzov est mieux servi par la chance. Ce courtisan obèse, qui doit diriger les batailles en position assise, arrive grâce à son entregent à s'attribuer le mérite de la victoire sur Napoléon.


 

Ces exemples malheureux n'entament pas l'idée que l'on peut être gros et batailleur. Le meilleur exemple est, près de nous, Winston Churchill.

Jeune aristocrate au visage poupin, il fait preuve de témérité et d'audace dans les guerres coloniales tout comme dans les batailles électorales.

L'âge, l'embonpoint, les cigares et le whisky ne modèrent en rien son énergie. Quand, à 66 ans, le 10 mai 1940, il est appelé à diriger la lutte contre l'Allemagne nazie, c'est une force de la nature que découvrent ses compatriotes ; l'exact contraire de l'ascétique Hitler, 50 ans, buveur d'eau et végétarien. Cette prestance physique d'ours mal léché a sans doute contribué à la victoire sur le Mal.

Les méfaits du sucre

Nos ancêtres du Moyen Âge n'avaient guère d'occasion de prendre du poids même si, après l'An Mil, le perfectionnement des techniques agricoles, l'urbanisation et l'avènement d'une classe bourgeoise entraînent une très nette amélioration de l'alimentation.

Tout change au XVIe siècle à cause de... Christophe Colomb. Ayant posé le pied en Amérique, les Européens voient l'opportunité de produire désormais eux-mêmes le sucre dont raffolent les riches bourgeois. Ils transportent dans le Nouveau Monde les grandes plantations esclavagistes mises au point par les musulmans du sud de la Méditerranée.

Comme prévu, le sucre, plus abondant, devient d'un prix plus abordable. Sa consommation se diffuse dans la bourgeoisie et l'aristocratie, avec une conséquence prévisible : le développement de l'obésité.

Contre cette obésité, les femmes luttent en corsetant la poitrine et l'abdomen. On utilise pour cela les fanons des baleines. La vogue des corsets à «baleines» contribue du coup à intensifier la chasse aux cétacés. C'est, avec la traite négrière atlantique, l'une des conséquences de notre innocent attrait pour le sucre. Petite cause, graves conséquences.

Si les femmes se corsètent, les hommes, eux, souffrent plus classiquement de la goutte et l'hydropisie. Ces maladies liées à l'obésité et aux excès alimentaires atteignent les hommes mûrs de l'aristocratie du XVIIe et du XVIIIe siècles.

L'obésité devient un sujet de préoccupation tant pour les hommes que pour les femmes. Les médecins l'associent au tempérament flegmatique (paresse) et voient à l'opposé dans l'extrême maigreur un symptôme de mélancolie (dépression).

On commence à se soucier de régime alimentaire. Les premiers restaurants, qui apparaissent à Paris vers 1766, affichent clairement leur vocation diététique. On y sert des eaux minérales et des bouillons de viande dégraissée.

 



Au XVIIe siècle, Madame de Sévigné, dont les portraits révèlent les formes rondes, craint de ne plus pouvoir entrer dans ses vêtements et redoute de devenir une «grosse crevée».

Au siècle suivant, l'avocat Élie de Beaumont s'afflige dans ses mémoires de son obésité qui va de pair avec la mésestime de soi et l'impuissance sexuelle.

Plus près de nous, le journaliste Henri Béraud reçoit le prix Goncourt en 1922 avec Le martyre de l'obèse, un roman en partie autobiographique, qui exprime sa honte d'être réduit à un «bon gros» après avoir combattu dans les tranchées. Il est en 1944 condamné à mort pour faits de collaboration et in fine gracié par le général de Gaulle.

Embonpoint et pouvoir

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26/06/2013
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