LE SOURIRE DU WEEK-END
Lola est une petite fille atteinte d'une maladie très grave, ce qui lui interdit de se nourrir autrement qu’à l’aide d’une sonde. Papy José tient un blog et nous raconte les journées de sa petite princesse. Si vous allez sur ce blog vous pouvez mettre un "j'aime" ou encore un commentaire, et même voter quand cela est indiqué. Ainsi vous aidez à le faire connaitre.
Papy José répond toujours quand on lui donne un lien pour le faire donc si vous laissez un commentaire, donnez lui votre nom ou pseudo et le moyen de vous faire un petit coucou.
http://lamessebleue.centerblog.net/
Bon week-end à tous, pour ce premier pont de mai. Ci-dessous un peu de lecture au cas où il ne ferait pas beau !
Visite à la prison de Douai de Brigitte Cassette, pour ses recueils de poésie, et de José Herbert, pour « la messe bleue ».
Que dire ? Les images et les bruits se bousculent dans ma tête. Je suis entré dans les lieux avec le cerveau formaté pour recevoir un certain type d’information, celui que nous offrent les médias, à savoir le spectaculaire, le sensationnel, le « je pense pour vous ». Comme quoi, une fois de plus il est essentiel de garder sa liberté d’analyse et sa capacité de DOUTER, essentiel de varier ses sources d’informations, surtout en cette période où, à longueur d’antenne, on nous assène des « Vérités », toutes différentes évidemment.
Adoncques, pas de tenues rayées comme les pyjamas de jadis, pas de cris intempestifs dans les couloirs et les cellules, pas de matons au faciès de bouledogue, pas d’Annibal lecter grimaçant derrière une grille, pas de chaines, pas de menottes, pas de boulet aux pieds. Des caméras ? Peut-être mais discrètes. Je n’ai pas remarqué .
ET…Des grilles, mon dieu toutes ces grilles ! Rouillées mais solides. Pas un local, pas un couloir qui n’ait la sienne, aux fenêtres, aux portes, aux gigantesques entrées des passages. Du costaud, toutes cadenassées, et pas avec du matériel de chez Casto, du colossal, des dents, des pênes, des blindages, des crémones, des gâches, des judas, univers surréaliste.
ET… Des bruits permanents, de portes ou grilles métalliques qui s’ouvrent ou se ferment, de cliquetis de serrures, et le chant des trousseaux de clés qui brinqueballent. Et parfois des bruits de voix, des cris dont on ne perçoit guère la signification, qui résonnent et rebondissent dans les immensités.
La prison de Douai est une vieille dame, qui vit le jour au tout début du 20e siècle. C’est un monument historique. Une plaque contre la façade rappelle qu’ici furent guillotinés des malheureux, victimes de la barbarie nazie. Les murs sont très hauts, comme des murs de prison, et des bribes de barbelés débordent de leur sommet.
Nous nous présentons à la cabine de l’entrée. Vérification par le planton sur une liste, à partir de nos cartes d’identité. Oui, nous sommes attendus. Nous entrons par une petite porte située sur le côté du portail et nous retrouvons ledit planton dans sa cabine ultra sécurisée. Nous devons lui laisser nos téléphones portables et abandonner nos sacs sur un tapis roulant, comme à l’aéroport de Lille Lesquin, pour qu’ils y soient scannés, puis nous sommes invités à passer par le portique, qui sonne pour Brigitte, à cause de ses boucles métalliques de souliers, et d’une boîte dans son sac, qui sonne pour moi à cause d’une fixation sur le badge que l’on nous a fourni. La moindre molécule de métal énerve la bête et…le planton.
Ensuite, c’est la découverte des couloirs, et l’accueil par la dame responsable des animations culturelles. Accueil sympa. Nous avons droit au café de bienvenue, et nous sommes dirigés vers la salle où il faudra dans quelques minutes offrir nos prestations. Nous participons à l’installation des tables et des chaises, aidés par quelques détenus.
Mais pourquoi diable fus-je surpris de voir des détenus installer avec nous, dans la bonne humeur, sans boulet au pied, tables et chaises, après nous avoir serré la pogne ?
Douze détenus prirent ensuite place face à nous, à table, ainsi que la bibliothécaire, souriante, qui pointe les présents. Je revois l’époque où j’étais invité à participer aux stages de mise à niveau de l’Education Nationale, sauf que cette fois, je suis devant.
Mais pourquoi diable suis-je consterné de ne pas apercevoir dans les angles de la pièce des matons armés de mitraillette ?
Brigitte commence. Elle a l’expérience d’une première intervention en prison, moi pas. Pendant une demi-heure elle intéressera un auditoire très attentif, séduit par sa démarche d’auteur et de poète. Elle lit des poèmes et la douceur de ses mots captive l’assemblée. Ensuite elle me passe le relais. Je me lance, je me présente brièvement. Je raconte surtout la maladie de Hirschsprung de ma petite fille Lola, thème de mon dernier bouquin. Les gens sont attentifs, sauf un jeune détenu qui dort sur sa chaise à notre droite. La bibliothécaire a versé une rasade de café à chacun, dans des récipients en plastique, pas de verre évidemment.
Mais pourquoi diable suis-je étonné de constater que les douze détenus ont droit, eux aussi, à la tasse de café chaud ?
Quelques questions fusent, l’ambiance est bon enfant, j’ai devant moi un jeune détenu qui connaît la maladie de Hirschsprung, je lui pose la question qui me taraude, êtes-vous médecin ? Oui, répond-il avec un sourire.
Mais pourquoi diable suis-je surpris de voir un médecin en prison ?
Tout le monde est sympa, attentif, chaleureux. La séance se termine par quelques questions de la part des auditeurs. C’est fini ! Les détenus s’approchent de notre table. J’en oublie que devant moi, est posée une alarme et que si on faisait pour nous égorger, il suffirait d’appuyer sur le bouton rouge pour qu’aussitôt ce soit le branle-bas de combat dans l’établissement.
Pourquoi diable ai-je cette pensée saugrenue?
Et ce sont les poignées de mains pour les remerciements. Je remercie. Elle remercie. Nous remercions, Ils remercient. Ils posent quelques questions, pertinentes, ils prennent en mains nos bouquins, nos publicités, les ouvrent avec précaution, lisent les dédicaces que nous avons écrites sur les ouvrages, font preuve d’enthousiasme, de curiosité. Nous échangeons, librement. Ils aiment la poésie, ils se régaleront, c’est sûr, ils le disent et ils sont sincères, ils lisent et écrivent beaucoup, surtout du courrier pour leur famille, de longues lettres.
Mais pourquoi diable suis-je en train de chercher sur leur visage des vilaines traces de leurs méfaits?
Il n’y en a point, ces gens-là sont comme vous et moi. Des jeunes, des vieux, des beaux, des laids, des grands, des petits, des intelligences différentes, des éléments différents de la société. Et des sourires, des paroles anodines, de la chaleur humaine.
On nous emmena ensuite visiter la bibliothèque de l’établissement. Nous y vîmes des rayons bien fournis, une vie, des allées et venues, des gens installés à lire. Cependant la porte d’entrée fut verrouillée sitôt que nous fûmes entrés dans les lieux. Là, les échanges se poursuivirent, autour des bouquins.
Un détenu m’assura qu’il irait voir le blog de « la messe bleue » dès qu’il sortirait, je l’invitai à me laisser un message. Un autre dit qu’il connaissait des gens du village où j’habitais dans le Cambrésis. Un autre blague à propos de mon âge, car il est plus âgé que moi. Un autre me parle de la surpopulation dans les prisons. Les paroles sont libres. Pas de censure.
Il nous faudra ensuite sortir en nous faisant accompagner, car nous nous perdons dans le labyrinthe des couloirs et des grilles, puis récupérer nos portables à l’accueil et retrouver l’air extérieur, le crachin et le froid qui sévissent en ce mois d’avril.
En conclusion, j’aimerais évoquer un roman de Victor Hugo, grand humaniste s’il en est, publié en 1829, titré le dernier jour d’un condamné, à mort j’ajoute car le titre ne le dit pas. Ce génial petit roman nous raconte avec émotion la journée d’un condamné à la guillotine, sa dernière journée donc. L’auteur, et c’est l’une des particularités du roman, ne révèle jamais les motifs qui vont conduire le condamné à l’échafaud. Pourquoi ? Pourquoi négliger cette soif de savoir qui va pénétrer sans nul doute le lecteur avide ? La réponse me semble évidente et tient pour moi en ces quelques mots : « GARDONS-NOUS DE JUGER » ?
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