LA VIE D'UNE FEMME - 6 ème partie
Alexandre Samuel, Mathias Ludovic est né par césarienne le 11 Septembre 1969 à Bois Colombes dans la région parisienne. Son père en venant le voir s’est penché vers moi et m’a murmuré à l’oreille : « merci »
Pour éviter tout problème à l’avenir, Guy est d’accord pour que je m’arrête de travailler afin d’élever l’enfant au moins les premières années ; cela fait un trou dans le budget surtout avec tous ces frais, remboursements de l’appartement, pension alimentaire pour la petite fille d’Allemagne, mais au moins, je serai auprès des enfants, du petit qui n’aura pas à aller en nourrice, et du grand avec qui j’espère rattraper le retard.
Mais rien ne se passe comme prévu. Alexandre accapare une grande partie de mon temps car il est plein de vie, veut toujours être dans les bras, ne fait pas ses nuits complètes alors, une fois de plus, David se sent lésé, il n’y en a que pour l’autre qu’il déteste de plus en plus mais il ne dit rien et devant nous, ses parents, il offre son visage angélique. Parfois, le bébé se met brusquement à hurler sans raison jusqu’au jour où je surprends David en train de le pincer.
C’est avec des évènements de ce genre que je vais, petit à petit, comprendre que David n’est pas ce qu’il paraît être et que s’il est ainsi, c’est parce qu’il souffre. Je ne peux pas en parler à son père qui le punirait, ce qui n’arrangerait rien et c’est ainsi que va commencer une complicité entre nous qui, au lieu de nous aider, va nous compliquer encore plus l’existence car David va profiter de ce qu’il considère comme une faiblesse de ma part pour jouer, à chaque fois qu’il le croira utile, sur les deux tableaux. Il va donc se perfectionner encore plus dans la dissimulation et le mensonge.
Tout ce que j’écris en ce moment, c’est ce que j’ai compris mais hélas, des années plus tard ; sur le coup, je sais qu’il se passe quelque chose, mais je ne comprends pas quoi. Je décide donc d’aller consulter des psychologues et là, je vais jouer de malchance.
La première femme consultée est toute fraiche émoulue de l’université et commence seulement à exercer, lorsque je lui raconte mes problèmes elle a l’honnêteté de me dire qu’elle débute et que mon problème semblant sérieux, elle préfère m’adresser à des confrères plus expérimentés qu’elle.
Je me rends à l’adresse qu’elle m’a donnée. Il s’agit d’un cabinet de psychologues, éducateurs etc… L’homme qui me reçoit m’est immédiatement antipathique ; le corps rejeté en arrière sur son fauteuil à bascule, les pieds posés sur son bureau il me fait asseoir sur une simple chaise et tout de suite je sens que je perds le peu de moyen que j’ai ; puis un long silence s’installe entre nous. Il ne fait rien pour le rompre puis enfin il me dit : « parlez »
Mais de quoi ? par où commencer ? je fais des phrases que je ne finis pas, je commets des lapsus sur lesquels il saute comme la pauvreté sur le monde, je suis lamentable. Enfin le supplice s’arrête et il me convoque à nouveau un jour de la semaine suivante. Nous aurons ainsi plusieurs rendez-vous durant lesquels je serai paralysée et incapable de parler, d’expliquer et c’est pourquoi à ma quatrième visite il déclare que, d’après lui, ce n’est pas mon fils qui a des problèmes mais moi
.Le plus triste dans l’histoire c’est que perdue comme je le suis, je vais le croire et que je vais commencer à suivre une thérapie.
Après chaque séance je rentre à la maison complètement déboussolée à tel point que Guy qui n’est pourtant pas un grand psychologue, se rend compte de mon état, alors je lui raconte et pour la première fois et la seule peut-être dans notre vie de couple, il va prendre le taureau par les cornes, il décide de m’accompagner à mon prochain rendez-vous, insiste pour assister à l’entretien et devant le refus du psy, déclare que je ne continue pas les séances ; le toubib le prend de haut, Guy relève la tête prêt à bondir puis me prend par la main et nous sortons.
Cet épisode m’a terriblement affaiblie et David qui ressent et comprend beaucoup de choses va encore profiter de cette faiblesse pour pousser le problème d’un cran, mentir encore plus et mieux voler aussi, et je n’aurais jamais rien vu (les sommes étant malgré tout petites) mais un jour, il prend dans mon porte monnaie un billet puis part à l’école à côté de laquelle il y a une boulangerie. Les enfants de tous âges achètent, chaque jour, dès qu’ils ont un peu d’argent de poche, quelques bonbons, mais lorsque David veut payer et qu’il sort de sa poche un billet de 100 frs, le boulanger fait appeler sa maitresse et le pot aux roses est découvert.
A 16H30 La maitressse retient mon fils et donne à un de ses camarades de classe un mot qu’il m’apporte et sur lequel l’histoire m’est racontée. Cette femme très jeune ajoute sur la missive qu’il ne faut pas être trop dur avec David. Lorsque celui-ci arrive son visage est décomposé, c’est la première fois qu’il est pris. Je ne le bats pas, je ne le dispute pas je lui demande seulement : « pourquoi » ?
Alors pour la première fois et peut être aussi la dernière il va enfin parler, enfin s’expliquer, enfin dire à quoi il est confronté dans sa vie de petit homme.
« C’est vrai que j’ai de l’argent de poche mais tu ne veux pas que j’aille avec à l’école, mes copains eux, arrivent chaque jour avec des sous et achètent des friandises qu’ils distribuent. Un jour on m’a demandé pourquoi moi je n’apportais jamais rien alors que je mange les bonbons que l’on me donne, et puis on m’a menacé de me casser la figure si je ne rendais pas ce que j’avais accepté ; j’ai pas voulu prendre 100 frs, seulement 10 francs mais j’ai cru que tu m’avais vu alors j’ai refermé ma main sur un billet ; c’est quand je suis arrivé à la boulangerie que j’ai vu la somme mais c’était trop tard"
Moi j’ai toujours été contre, non pas l’argent de poche, somme qui varie selon la situation ou la générosité des parents mais de l’emmener à l’école car il y a par exemple dans la classe de David, des petits immigrants, trop pauvres pour seulement posséder quelques centimes alors dans mon esprit, je trouve injuste d’exhiber sous leurs yeux des sommes qui leur paraissent une fortune.
Si seulement David avait été plus ouvert, si dès le début il m’avait raconté le problème auquel il était confronté, je lui aurais donné les moyens de se défendre, de réagir, mais comme il s’est trouvé seul contre les « caïds » il a réglé son problème en volant de l’argent et en faisant cela, il a encore augmenté son propre dégré de culpabilité car quand il est seul avec lui-même, il sait qu’il ment sans cesse et comme il n’est jamais puni, le poids de la culpabilité s’alourdit..
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