LA VIE D' UNE FEMME- 3ème partie
Les trois mois qui vont suivre sont faits de biberons, de couches et de découvertes du rôle de maman. Georges se partage entre son boulot, ses parents et nous. Les choses vont bien mais je me prends à penser qu’un jour, il faudra bien parler de la situation dans laquelle nous sommes et de la tournure que nous voulons lui donner. Dans cette affaire, je n’ai pas grand chose à dire car c’est à Georges de prendre une décision mais plus le temps passe et plus je guette le moindre regard, le moindre geste, le moindre changement venant de lui et qui m’indiquerait ce qu’il va décider.
Je peux attendre lorsque je sais pourquoi et jusqu’à quand, mais l’expectative me tue, donc et sans m’en rendre compte, je vais me replier sur moi-même, courbant le dos pour parer le coup dans le cas où….. et je crois que je le fais assez intelligemment pour donner le change. Le 31 Décembre 1962, nous passons le réveillon du nouvel an tous les trois à la maison, l’ambiance est un peu tendue et nous faisons tout notre possible pour ne rien laisser paraître.
Début Janvier 1963, en rentrant à la maison, je vois un mot posé sur la table :
« Jeannine, ton attitude de ces derniers mois m’a fait comprendre que tu m’en veux de n’avoir jamais été capable de prendre mes responsabilités et de parler franchement. Je ne supporte plus ton silence qui me condamne tout en sachant que c’est toi qui a raison, aussi je préfère mettre fin à notre situation actuelle ; je ne suis pas digne de toi et je ne veux plus te faire souffrir. Pardonne-moi. Il laisse aussi de l’argent pour « le petit »
Ca y est, c’est fini, ce que je redoutais est arrivé et je me rends compte que j’étais bien plus heureuse lorsque je doutais alors que je pensais souffrir le martyr ; c’est maintenant qu’une peine immense va m’envahir, me submerger et pour combien de temps. ?
C’est mon petit bonhomme qui surement m’a empêchée de mettre fin à mes jours mais en moi, quelque chose s’est cassé et qui ne se réparera jamais.
Je garderai toujours au fond de mon cœur l’espoir qu’un jour, peut-être au détour d’une rue, je le rencontrerai ; pour lui prouver alors que je ne l’ai jamais oublié, je garde et garderai plus de trente ans sur moi sa lettre de rupture pour la lui montrer, au cas où, et puis un jour, dans l’autobus, on me vole mon porte feuille et avec…. La lettre
Je reprends le travail et les problèmes vont commencer. La crêche, c’est ce qu’il y a de mieux quand tout va bien, mais une toux, un peu de fièvre et c’est retour à la maison et donc arrêt de travail. Le patron, aussi gentil soit-il, ne peut accepter cette situation bien longtemps alors on met l’enfant chez une nourrice privée mais c’est plus cher, beaucoup plus cher.
On va quand même tant bien que mal tenir le coup. David marche à 10 mois, il parle presque couramment à 15 mois et fait l’admiration de tous, surtout qu’il est très beau.
Depuis qu’il est chez la nourrice il a appris un nouveau mot, c’est celui que les autres enfants prononcent lorsque le mari rentre : «Papa» et David le prononce tout le temps, Là où les choses se compliquent, c’est que lorsque nous sommes par exemple au jardin public et qu’un pantalon passe, il s’appelle aussi « papa » peut importe si celui qui le porte est noir ou jaune ; des gens assis sur le même banc que moi diront un jour après avoir bien ri : « pas très physionomiste votre fiston » et la coupe déborde lorsque le concierge, vieux monsieur de plus de 70 ans, se trouve affublé de ce titre. Je commence à comprendre que nous allons vers de sérieux problèmes.
J’ai quitté la Société ORMIG et je travaille maintenant chez DISTRIMAT une toute nouvelle Société qui importe d’Italie des tuyaux et accessoires en amiante-ciment pour les canalisations. Pas très loin du bureau, il y a une librairie- papeterie tenue par Geneviève, une fille de mon âge, divorcée elle aussi et à mon heure de pause, je viens dans son arrière-boutique boire un petit café et nous nous racontons.
Mon divorce à moi s’est bien passé mais pour elle c’est le contraire car son mari refusant la séparation, il lui en a fait voir de toutes les couleurs, y compris des menaces de mort. Malgré tout, elle est arrivée à ses fins mais a gardé un traumatisme concernant les hommes.
Cependant, la solitude lui pèse énormement et elle oscille entre le désir de rencontrer quelqu’un et la peur de retomber dans le même genre de situation. Parmi les clients, se trouve un jeune homme sympathique qui ne cache pas son intérêt pour elle depuis déjà pas mal de temps ; elle m’en parle puis n’y tenant plus, elle me dit qu’elle est prête à sortir un soir avec lui mais pas seule, je dois les accompagner et ainsi elle sera obligée de rentrer avec moi, lui faisant croire que ce jour là, elle dort chez moi.
Je ne suis pas sortie depuis 2 ans : 9 mois de grossesse et 15 mois depuis la naissance de David, j’hésite, car d’une part je ne sais pas à qui demander de garder mon fils et d’autre part, l’habitude perdue, je n’ai pas envie de me retrouver dehors et de tenir la chandelle mais j’aime beaucoup Geneviève et je finis par accepter. Ma mère, à ma grande surprise, va accepter de garder le petit jusqu’au lendemain matin et donc … le « ménage à trois » sort en ballade.
La soirée est formidable, après le restaurant nous allons à la Butte Montmartre dans une boite. A l’intérieur de nombreuses tables sur lesquelles sont posées des bougies et au fond de l’immense salle, en plein air, des tonnelles pour les amoureux. C’est là que nous nous installons,. Les amoureux partent danser et tout à coup, une main se pose sur mon épaule et je suis invitée à danser. Je me demanderai toujours comment ce type à fait pour me voir, moi qui tourne le dos à la salle.
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