coin lecture - chienne de vie - 7ème partie
7ème partie
Entracte 2
Un samedi soir, après moult margaritas et un dîner de crêpes, les filles
décrètent qu’elles s’encroûtent. Que ce n’est plus possible et qu’il faut faire
un peu de sport. Du sport ? Ah non, ça ne va pas recommencer !
À cet instant, le fantôme de Chaussettes de sport apparait dans la pièce.
Monté sur son vélo, une raquette de tennis à la main, sa serviette à l’épaule
et ses poignets en éponge, il m’observe...
— D’ailleurs, Noirette pourrait aussi venir ? Ça ne lui ferait pas de mal.
Oh, Lucie. Comme je te déteste en cet instant. Dans ces cas-là : je boude !
Les oreilles basses, je regarde ailleurs. Du style : je ne suis pas là.
— On pourrait faire du vélo.
— Ah non ! J’ai mis trois mois avant de ne plus avoir mal aux fesses.
Sans même regarder qui parle, je sais que c’est Elle.
— Ben, jouons au golf alors.
— Tu es folle, c’est super cher !
— Ne parlons pas de tennis, si vous voyez ce que je veux dire ; reprend
Juliette, toujours un peu chipie. On ne peut pas faire de vélo, ni jouer au
golf. Quant au tennis, hors de question ! On va éviter la pétanque, qui est un
sport de vieux et pas de piscine, car je ne sais pas nager. La course à pied, il
vaut mieux oublier avec toutes nos clopes… Alors, quoi ?
Son côté « faisons pratique » a au moins le bénéfice d’éliminer le superflu.
— Pourquoi est-ce qu’on ne marcherait pas ? Il y a sur la falaise un superbe
sentier de randonnée. Je l’emprunte souvent avec Noirette. La plage est
accessible et pour un pique-nique, c’est vraiment calme. On peut faire au
moins une douzaine de kilomètres !
— Ah, oui. Voilà une bonne idée.
— Bon les filles. S’il fait beau dimanche, on se fait ça ? Et on emmène
Noirette.
Je trouve qu’Elle exagère quand même. Je ne suis pas franchement emballée
par l’idée de faire 12 km, toute traumatisée que je suis par de douloureuses
expériences… Malgré tout, je ne manquerais cela pour rien au monde ; juste
pour être avec Elle et voir le trio à l’œuvre sur une telle distance.
Une fois l’heure du départ calé — ce qui ne fut pas une mince affaire, le
menu du pique-nique élaboré et le choix de la tenue la plus adaptée réglé, il
est décidé de se coucher de bonne heure la veille afin de garder de bonnes
jambes. Bien entendu, Juliette ne fait pas l’unanimité en proposant une
sortie en boîte en guise d’échauffement : tollé général !
Le dimanche matin, 9 h 30.
À l’entrée du parking, nous voici donc à pied d’œuvre. Les filles ont opté
pour le bermuda, un tee-shirt et des tennis. Pour la partie fantaisie, elle
réside dans les couvre-chefs ! Casquettes pour Juliette et Monique. Bob rose
pour Lucie et petit chapeau de paille pour Elle. Quant à moi, je reste natu-
relle : poils et bandana. Je me dis que si Chaussettes chics était là, j’aurais
aussi une casquette. Je me rappelle en avoir vu une dans la boutique où ils
m’avaient acheté le collier en strass. Aucun regret !
Il fait un temps magnifique. Un peu de vent agite les herbes et la mer est
gris bleu. Les sportives trépignent d’impatience à l’idée de cette journée où
elles vont se lessiver la tête.
Je suis certaine que comme à chaque fois, tout ne se déroulera pas comme
prévu. Ça n’a pas raté ! Il faut déjà attendre Monique qui, folle de plantes
vertes, s’arrête régulièrement pour identifier telle ou telle fleur.
— Venez voir, des orchidées sauvages… C’est la première fois que j’en
vois ici !
Bien entendu, personne ne fait demi-tour. Par contre, pour boire, s’allumer
une cigarette ou en profiter pour s’asseoir...
Puis vient le tour de Lucie qui sent que ses tennis toutes neuves lui donnent
des ampoules et décrète que ce sera mieux pieds nus. Ce qui, forcément,
nous ralentit considérablement.
Ensuite, Elle souhaite faire un arrêt pipi. Nous perdons un temps fou à
chercher un buisson adapté.
Enfin, midi arrive. Cela tombe bien, car tout le monde commence à avoir
faim. D’ailleurs, tout le monde le sait : le sport, ça creuse !
De la matinée, nous avons dû faire moins de quatre kilomètres. Enfin, elles.
Car de mon côté, j’ai parcouru une distance bien plus grande. Allant, venant
et courant après les odeurs de petit gibier. Des odeurs fortes et sauvages,
m’égarant ici et là. Elles décrètent donc qu’il nous faut descendre sur la
plage pour y trouver un coin sympa. Nous allons pouvoir reprendre des
forces.
Après avoir trouvé l’endroit idéal, elles étendent une couverture et ôtent
leurs chaussures. Il est temps de manger ! Elle me sort ma gamelle rose,
mais je n’en veux pas. Pour moi, pas de repas. Je mange deux fois par jour,
matin et soir. Rien de plus, ça me suffit. Aussi, je viens me coucher près
d’Elle sur le coin de couverture.
J’ai horreur du sable. Ça rentre partout entre les coussinets, dans les poils et
même parfois dans les oreilles. Par contre, j’adore me baigner. J’aime ma
légèreté dans l’eau et la sensation de fraîcheur sur mon poil. Mais là, je suis
un peu trop fatiguée et préfère amplement lézarder.
Le pique-nique est tout sauf celui d’un sportif : chips, poulet, pâtés divers et
saucissons variés, du jambon de montagne et cerise sur le gâteau, trois
bouteilles de rosé bien frais que Lucie sort d’un petit sac isotherme. Rien de
tel quand on est assis en plein soleil…
Elles trinquent en premier à cette belle journée entre copines. Puis, c’est en
honneur de l’organisatrice, au dimanche de repos bien mérité. Enfin, les
verres se lèvent pour fêter toutes les belles fesses masculines ; faisant suite
au passage d’un homme isolé courant sur la plage et très certainement sur-
pris de déclencher autant de sifflets admiratifs.
Elles trinquent au célibat, aux mecs à venir avant de trinquer juste pour
trinquer.
Rapidement, Lucie devient aussi rose que son bob. Monique se met à
s’éventer avec sa casquette tandis que Juliette met la sienne devant derrière.
La bouche grande ouverte, Elle rit sans retenue, jetant sa tête en arrière. La
suite est évidente et elle s’appelle : une petite sieste réparatrice. En bref, on
a toutes fait un petit somme...
C’est Elle qui nous a réveillées un peu plus tard.
— Oh ! Les filles, vous savez l’heure qu’il est ? Il est 16 h 30 !
La stupéfaction est générale. Comme quoi, lorsqu’on est ensemble, on ne
voit pas passer le temps ! Tu parles...
Plus question de continuer, car si les sacs sont légers, leur contenu est tombé
dans les mollets des quatre copines. Je parle du rosé, bien entendu.
Nous remballons donc tout et prenons le chemin du retour. Enfin, nous
essayons. Car en plus d’avoir des ampoules, les pieds gonflés de Lucie
n’entrent plus dans ses tennis. Monique est dans une espèce d’état
d’hébétude et Juliette, qui subit toujours les effets du rosé, est un peu pom-
pette. Quant à Elle, malgré ce qu’elle appelle « un mal aux cheveux terrible
», elle ne peut s’empêcher de rire en regardant les trois autres.
C’est fou ce qu’elles ont consommé comme eau minérale en rentrant ! À
notre arrivée sur le parking, il n’en reste plus une goutte !
De mon côté, la grande forme ; fraîche et alerte, comme d’habitude. J’en
veux bien tous les jours, des sorties sportives comme celle-là !
Avec son petit coup de soleil sur le visage, Elle est rayonnante. C’est surtout
son nez qui a pris. On dirait une croquette au bœuf : marron un peu doré !
Et si c’était cela, la vie : le bonheur. Un bonheur qui se lèverait tous les
matins, comme le soleil. On se coucherait le soir en se disant :
— Vivement demain que le bonheur se lève !
Bien sûr, il y aurait bien quelques petits nuages pour le cacher un moment.
Mais rien de sérieux puisque de toute façon, le bonheur serait là, juste der-
rière. Et on l’apercevrait à travers. Il nous tiendrait chaud, nous éclairerait.
Et certains jours, il faudrait mettre des lunettes de soleil tellement on serait
heureux…
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